
Tcheka - de son vrai nom Manuel Lopes Andrade - est né en 1973 à Ribeira da Barca, bourgade rurale de la côte nord-est de
l'île de Santiago, dont les modestes ressources proviennent de la pêche et de l'agriculture. Avant-dernier de sa fratrie, Tcheka
est issu d'une famille qui compte de nombreux musiciens - pendant plusieurs années, la musique est même la principale source
de revenus familiaux. Son père, Nho Raul Andrade, est un violoniste connu dans la région. Il enseigne la musique à ses fils et
fonde un petit ensemble familial qui anime mariages, funérailles et baptêmes. À 8 ans, contraint et forcé, Tcheka apprend à
jouer de la guitare acoustique. À 9 ans, il intègre l'ensemble familial sous la direction sévère de son père.
Comme tant d'autres jeunes Capverdiens, il ne peut poursuivre ses études secondaires par manque de moyens financiers et
passe son adolescence à pêcher, plonger et explorer la côte aux alentours de sa ville natale. C'est à cette époque qu'il
commence à composer des chansons. Dominée par les sommets inquiétants de la Serra Malagueta, bordée par les flots agités
de l'océan, Ribeira da Barca offre à l'artiste le cadre idéal qui va façonner sa vision personnelle du monde. Paradoxalement,
Tcheka réussit à élargir son champ musical grâce à son premier emploi sans lien aucun avec la musique. En 1991, à 18 ans, il
est engagé comme caméraman assistant par la télévision nationale TNCV à Praia, la capitale du Cap-Vert. Pendant neuf ans,
Tcheka mène une double vie: caméraman le jour, musicien la nuit, jouant avec des amis dans les bars, les hôtels et les
restaurants de la capitale et des ses environs. Son premier enregistrement: Ma'n ba des des kumida da ? [Y aura-t-il une
moisson cette fois-ci?] fait partie d'une compilation intitulée Cap-Vert Les Enfants, parue en 1999 au profit d'une association
humanitaire. Il travaille encore à plein temps à la TNCV à l'époque, et cette première prestation discographique reste
relativement confidentielle.
L'année 2000 marque un tournant décisif dans sa carrière avec la sortie de la compilation Ayan: New Music from Cape Verde.
Tcheka y interprète trois titres dont la version originale de Primeru bes kin ba Cinema [La première fois que je suis allé au
cinéma] qui raconte avec légèreté mais force détail sa découverte du monde du cinéma. La chanson ne fait pas que réinventer
ce moment formateur de sa vie: la perte soudaine, effrayante et irrévocable de l'innocence au profit des illusions et des
séductions de l'écran. Elle instaure également la prédominance de l'image dans la thématique et la méthodologie narrative de
ses compositions. Tcheka décrit ainsi son processus créatif: " Pour moi, une chanson est une séquence d'images, une
succession de photogrammes devant mes yeux. La mélodie se déroule comme une histoire dans ma tête et j'écris le texte
d'après cette vision. " De fait, son approche particulière, non linéaire, le différencie immédiatement de tous les autres artistes
capverdiens. Ses chansons se caractérisent souvent par de brusques modifications de tempo, des glissements mélodiques,
des changements de sujets et d'atmosphères, très évocateurs des coupures et des transitions cinématographiques.
Avec son premier album solo, Argui [Debout!] en 2002, Tcheka confirme au Cap-Vert sa réputation de virtuose de la guitare et
d'auteur compositeur à l'inspiration singulière. Le succès pousse Tcheka à se consacrer à plein temps à la musique. En octobre
2005, le jeune homme participe au concours " Découvertes Musiques du Monde ", organisé à Dakar par Radio France
International, et le remporte, rentrant au pays avec - enfin - un début de célébrité. Mais c'est la parution de Nu Monda [Allons
désherber], dans les semaines qui suivent le concours, qui le propulse véritablement sur la scène des musiques du monde et lui
confère un statut d'avant garde de la musique capverdienne.